Gejagte Form (for orchestra)

Wolfgang Rihm Gejagte Form (version 1995/1996)

Wolfgang Rihm (1952)
Gejagte Form (version 1995/1996), pour orchestre
Composition : 1995/1996.
Commande : Ensemble Modern.
Création : le 13 avril 1996 à Philadelphie, State College Penn State University, par l’Ensemble Modern sous la direction
de john Adams.
Effectif : 2 flûtes, cor anglais, clarinette en la/clarinette basse, clarinette en la/clarinette contrebasse, contrebasson,
2 cors en fa, 2 trompettes en ut, 2 trombones, tuba, 3 percussions, piano, harpe, guitare basse électrique,
2 violons, alto, violoncelle, contrebasse à 5 cordes.
éditeur : Universal Edition.
Durée : environ 13 minutes

Conjointement aux pièces pour ensemble Pol et Nucleus (1995-1996), le cycle des œuvres
instrumentales de Wolfgang Rihm dont le titre contient le mot « forme » — Gejagte Form [Forme
chassée] (1995-1996), Verborgene Form [Forme cachée] (1995-1997) et Gedrängte Form [Forme
ramassée] (1995-1998) — a donné naissance, en 2001, à la vaste pièce orchestrale d’un seul
tenant Jagden und Formen [Chasses et formes], point (provisoire) d’aboutissement qui témoigne
de l’intérêt que le compositeur porte à la déclinaison, voire au palimpseste. Preuve de cette
conception : entièrement révisée en 2002-2003, Gejagte Form apparaît aujourd’hui dans une
seconde version qui, à l’aide du même effectif orchestral, propose une musique différente,
réécrite. Le processus est donc pour Rihm aussi important que la concrétisation sonore de
celui-ci — ce qui explique pourquoi, à l’écoute, prédomine la sensation d’une musique qui semble
se construire librement dans le temps, qui semble littéralement en quête de sa forme, de sa
structuration. Ce déploiement va pourtant de pair avec une lisibilité extrême : fonctionnement par
opposition de blocs instrumentaux, juxtapositions de segments nettes et tranchées, élaboration
de strates successives, etc. Ainsi, dans sa première version de 1995-1996, Gejagte Form répond
globalement à une forme tripartite. Elle s’ouvre sur un discours haché, fragmenté et accentué des
deux flûtes et des deux clarinettes, dont les figures homorythmiques, rapides et violentes, sont
prononcées le plus souvent à distance d’un ton et ponctuées par des agrégats parfois résonants
de la harpe, puis du piano. Le caractère volubile et virtuose s’affirme, jusqu’à ce que les cuivres
apportent un changement de dynamique, et que l’entrée des autres instruments provoque la
création d’un grand mécanisme composé de multiples couches de brèves figures répétées.
Au sein de cette partie centrale, où les changements de tempo, de dynamique, de couleur sont
fréquents et contrastants, intervient, dans une sorte d’incise, un curieux quatuor formé par le cor
anglais, le contrebasson, le piano et l’alto. C’est alors que les flûtes et les clarinettes répètent leurs
phrases initiales, ici accompagnées, notamment, par le quatuor à cordes ; se bâtit à nouveau et
progressivement un tutti, par superposition de motifs nettement caractérisés. La coda, presque
silencieuse, fait entendre des notes tenues aux flûtes et aux cuivres sur les percussions des
tambours, conga et bongos. Basé sur les impulsions et l’énergie des sons et des motifs, sur la
diversité des timbres (par exemple, le martèlement de la guitare basse, qui entre vers la fin de
la pièce), le langage de Rihm possède une indéniable force de séduction qui naît également de l’impression de mouvance constante de la forme, et de la vivacité du flux d’une musique en train
de se faire : « L’idée d’une forme qui naît parce qu’on fait la chasse à la forme, ou l’idée d’une forme qui
modifie son équilibre parce qu’elle est « pourchassée » […] demeure caractéristique de ma pensée et de
mon discours sur cette pensée. » (Wolfgang Rihm)